Personnalité à part, le Belge Eric David a fait une immense carrière dans le droit international. Il n’a jamais rechigné à s’engager quand il l’estimait nécessaire. Sa voix manquera.
C’est une forte personnalité qui vient de disparaître. Né en 1943, le professeur belge Eric David, spécialiste du droit international humanitaire et du droit pénal international, s’est éteint à Bruxelles au terme d’une brève maladie. Il laissera sans nul doute un grand vide.
« Pour moi, Eric incarnait le droit international », nous dit Pierre Galand, figure du monde associatif. « Droit qu’il a contribué à façonner. Il a encore sorti l’an dernier une brique de 600 pages sur le procès de Nuremberg. Son engagement sociétal procédait de sa conception du droit international comme outil de résolution des conflits. »
« C’est aussi un grand praticien de terrain, ajoute Pierre Galand, qui fit de nombreuses missions à l’étranger, comme lorsque nous sommes allés au Rwanda pour établir un rapport – qui se révéla incendiaire – sur les financements du génocide, hélas resté sans suites. Il s’est aussi engagé dans plusieurs causes, comme pour les Moudjahidine du peuple en Iran ou pour la Palestine. Pour celle-ci, il s’est beaucoup investi dans la mise sur pied du Tribunal Russell, il y a réalisé un travail énorme, insistant pour que les normes juridiques qui servaient de références soient les plus rigoureuses. Encore en 2016, il se faisait expulser avec d’autres juristes du Maroc où ils étaient allés pour demander aux autorités de respecter les droits humains par rapport à des condamnations de Sahraouis. »
Une carrière très riche
La carrière d’Eric David n’est pas simple à résumer. Les 31 pages de son curriculum vitæ officiel en attestent amplement. Entré comme chercheur au Centre de droit international de l’Université libre de Bruxelles en 1968, il a commencé à enseigner le droit international cinq ans plus tard. Il a publié de nombreux livres académiques, dont certains comme : Principes de droit des conflits armés et Droit pénal international sont devenus des ouvrages de référence en la matière. Eric David a également dispensé ses connaissances à travers le globe, dans d’innombrables collaborations académiques, de Butare (Rwanda) à Hanoï en passant par Montréal, Tunis, Amsterdam, Cotonou, Abidjan, Strasbourg ou Lomé…
Membre d’Amnesty International, président d’Oxfam Belgique pendant quelques années, Eric David aura fait partie de plusieurs commissions d’enquête et il aura aussi souvent servi de conseil, que cela soit auprès des Nations unies, du Conseil de l’Europe, d’États, de parlementaires, d’avocats et d’ONG…
François Dubuisson, qui fut son élève, a longtemps côtoyé Eric David au sein du Centre de droit international à l’ULB.
« En Belgique, c’est le père de la loi sur la compétence universelle qui fit couler beaucoup d’encre il y a plus de vingt ans », explique-t-il. « C’était son côté idéaliste, qui faisait aussi partie de sa personnalité originale. Bien qu’admis à la pension il y a une quinzaine d’années, il assistait encore un collègue lors des cours de droit des conflits armés. »
Figure atypique
Comme le dit François Dubuisson, « c’était une figure atypique au sein du monde académique, une personnalité particulière qui n’était pas faite du même moule que ses collègues ». Mais les juristes de droit international se souviendront aussi d’une de ses initiatives moins connues du grand public : « Avec le Québécois Daniel Turp, il avait créé en 1985 le concours Charles Rousseau de plaidoirie en droit international, le premier du genre en français et une belle réussite, qui a vu défiler des générations d’étudiants de tous les continents qui sont souvent devenus des professeurs de droit international, comme Olivier Corten et moi-même ici à l’ULB ».
Ses proches ne cachent pas leur émotion. « Je pleure un ami avec qui on passait parfois des heures à refaire le monde », nous dit encore le vétéran Pierre Galand. « C’était un humaniste. Quelqu’un qui m’a toujours frappé par sa capacité à dire du bien des autres. Un grand sportif, par ailleurs, vélo, natation, tennis… Ses heures de sport étaient les seuls moments où il n’était pas question de le déranger. »
Les médias ne l’oublieront d’ailleurs pas non plus : Eric David refusait rarement une interview, et, dans le milieu journalistique, sa cordialité et sa compétence n’étaient jamais prises en défaut.
Source : www.lesoir.be
